Notre Camarade Robert Vansteenkiste nous a quitté ce Dimanche 17 Mars 2013.


Témoignage d’un ancien déporté par telegohelle

Cheminot engagé très tôt dans la résistance, il a été l’un des principaux dirigeants des jeunesses communistes dans le Nord. Responsable des Francs Tireurs et Partisans du secteur d’Armentières, il est arrêté en décembre 1941 par la police française. Condamné à 5 ans, il sera déporté dans le terrible camp de Mauthausen en Autriche durant 14 mois.

Libéré en mai 1945, Robert Vansteenkiste était titulaire de la médaille militaire de la croix de guerre, de la médaille de la résistance. Il avait été élevé au rang de chevalier de la légion d’honneur et titulaire des palmes académiques en reconnaissance du fantastique travail de témoignage qu’il a accompli. Il a fait connaître aux jeunes générations ce qu’a été la résistance à l’occupant, ses souffrances, ses sacrifices et ses espoirs.

Il a témoigné, jusqu’au bout, de l’horreur que portent en eux le fascisme et le nazisme. Ancien conseiller municipal d’Avion, Robert Vansteenkiste était un militant actif du parti communiste et de la CGT. Responsable départemental de FNDIRP, il était à l’origine de la création du mémorial de la déportation à la coupole d’Helfaut.

ÉLOGE FUNÈBRE prononcée par Pierre Chéret, Représentant les filles et fils de Déportés, Membre du CN de la FNDIRP

Mesdames et Messieurs

 A chaque fois que l’un d’entre nous part, quelque soit le moment ou à l’âge où il part, la tristesse nous étreint. L’émotion nous tenaille.

Cette émotion, la tristesse nous la partageons avec toi Gaby et tes enfants et petits-enfants. Avec toi Gaby qui fut tout ce temps la compagne d’une vie riche en événements heureux mais faites aussi de moments durs et difficiles.

Moments durs et difficiles, surmonté par la solidité d’un couple, lucide et simple. Ne lâchant rien sur ce que furent les valeurs que fit naitre une amitié dans les parloirs de la prison de Cuincy à  Douai, où nombreux mineurs et cheminots syndicalistes et communistes étaient incarcérés !

Valeurs humanistes, résistance et combativité qui, par chance, vous permirent de vous retrouvez à la libération et de fonder dans cette période de Paix retrouvée une famille heureuse.

Cette vie faite d’engagements va laisser d’importantes traces ici dans la conscience des générations qui ont eu la possibilité et :

  • l’honneur de côtoyer et d’agir aux cotés de Robert  dans son activité inlassable pour l’obtention des droits à ceux qui subirent les incarcérations, les internements et la déportation et aux familles des fusillés et de ceux qui ne revinrent pas des camps de cet immense génocide.
  • l’honneur de côtoyer et d’agir aux cotés de Robert dans son action, avec ses camarades de la FNDIRP et des diverses associations frères qui revinrent des camps de concentration nazi, message et action pour empêcher l’oubli des horreurs que la montée du fascisme, du racisme et de l’antisémitisme qui engendra cette 2ème guerre mondiale.
  • l’honneur de côtoyer et d’agir aux cotés de Robert  dans son engagement syndical et politique à l’intérieur de la SNCF et dans sa commune dès que son état de santé lui permit de reprendre le travail au service de l’entretien des voies ferroviaires.

Robert a 20 ans lorsque le 10 décembre 1941, il est arrêté en gare de Lille par la police française. Il fait parti de ces familles que le Front Populaire a enthousiasmées.

  • Familles qui font face à l’esprit de revanche que fait régner ensuite le grand patronat, la droite et l’extrême droite française dans les mains de Pétain, et qui a préféré Hitler pour briser les acquis sociaux du front populaire,
  • Robert et sa famille sont de ceux qui continue à agir, à garder intact leur détermination dans une période où la peur règne dans de nombreux foyers et dans tout le pays.

Bien sur, rien n’est simple ! Ils ne sont pas nombreux à redresser la tête mais la volonté de la jeunesse, à l’image de Michel Brulé, de Julien Hapiot ou de Marcel Dandre, permettra de créer les premières actions de résistance à l’envahisseur  face à la cohorte des pétainistes qui prônent le racisme et la résignation face à la dictature fasciste allemande.

Robert aimait à rappeler cette simple anecdote !  Nombreux étaient les jeunes dans cette période de débâcle et d’exode qui ne fréquentaient pas leurs écoles ou leurs lycées ou n’aller plus au travail ! La première tache politique qu’ils imaginèrent c’était l’organisation de parties de football pour discuter et tenter de recruter des adhérents et surtout faire passer l’idée du refus de voir notre pays ainsi soumis et envahi ! Cette anecdote qu’il me rappela, avait pour but, de faire comprendre, que dans le militantisme il n’y a pas que les taches nobles idéalisant les héros, mais aussi la capacité comme il a su le faire avec d’autres, de donner du sens et de la valeur à toutes celles et ceux qui, par un geste, un message, un tract sous une porte, un peu de sable dans les boites d’essieu des wagons ou le percement d’une conduite de frein amplifièrent la résistance ! Dans son livre dédié à la résistance cheminote, il démontre ainsi que ces militants déjà aguerri à l’action revendicative et politique, au risque d’être poursuivi et arrêté, fabriquèrent une résistance naissante et active, en prenant comme lui et quelques uns le chemin de l’illégalité.

Les murs de la citadelle d’Arras et du Vert Galant, nous rappellent, dans cette zone interdite du Nord de la France, combien fut féroce la répression pour briser la résistance très active que le mouvement de Mai Juin 1941 met en exergue. Robert est de ceux-là ! Son futur beau-père aussi ! Plusieurs mois d’emprisonnement et 14 mois dans le camp de concentration de Mauthausen en Autriche. Camp de Mauthausen qui avait cette particularité d’être proche d’une grande carrière. Carrière dans laquelle les détenus, au prix d’heures incessantes de travail et d’une maigre pitance, taillèrent dans la roche un immense escalier sur lequel ils devaient ensuite chaque jour transporter des pierres. Escalier au haut duquel de nombreux détenus ne parvenaient pas ! Et d’autres à qui ont donné le choix d’être abattu par un SS ou de pousser dans le vide le détenu devant soi. La destruction humaine étaient là à l’œuvre jusqu’à l’innommable machine d’extermination de la solution finale qui devait pour les nazis voir le triomphe d’une prétendue race aryenne.

Son emprisonnement et sa déportation avec des hommes de conditions ou d’opinions différentes forgèrent en lui un sens aigu de la détermination mais en même temps une vision tolérante, humaniste mais exigeante de la société et de la vie . Vision et démarche que nous, générations qui le suivirent, retrouvèrent en lui à chaque fois qu’on allait à sa rencontre !! Toujours un accueil avec le sourire, et tout de suite une réflexion sur la situation politique !  Et bien sur, un intarissable chercheur pour que chaque situation ou chaque lettre soient précisée et classé ou réécrit par Gaby !

A la libération, Homme d’engagement de 25 ans, Robert Cheminot de la zone ferroviaire lensoise, n’est pas resté longtemps  sans être au cœur du débat politique et syndical pour la reconstruction. Dans cette zone, plus de 2500 cheminots travaillaient à la vivacité de la production charbonnière, le débat y était vif. L’engagement fort dans la résistance de nombreux cheminots et les souffrances qu’endurèrent leurs familles firent émergé des femmes et des hommes bien décidés à ce que l’on n’oublie pas les sacrifices de ceux qui contribuèrent à l’accélération  d’un retour à la Paix tant attendu. Que l’on n’oublie pas l’ambition pluraliste, politique et sociale du Conseil National de la Résistance.

A partir de son retour au travail, Robert sera de toutes les luttes et des grèves, de celles de 1948 au coté des mineurs, de celle de 1953 pour empêcher la remise en cause chez les cheminots des droits à la retraite. Il est élu à plusieurs reprises représentant du personnel local et régional où il défend « Bec et Ongles » les dossiers et les revendications de ses collègues de travail. Sa ténacité ne lui vaut pas que des amis dans la direction de la SNCF. Or on retrouve là la ténacité de Robert pour qui ces collègues lui renouvèleront en permanence sa confiance comme dirigeant syndical. Il devient soudeur de rail au train Parc de Béthune. Métier qu’il aime mais difficile physiquement jusqu’au moment où sa santé fragilisée par la malnutrition des années d’incarcération et de déportation lui procura de nombreux problèmes. Il demande à être intégré dans une fonction plus à même de prendre en compte sa fragilité. L’acharnement de sa direction, qui n’oublie pas l’homme d’action qu’il est, le poussera à une mise à la réforme d’office à l’âge de 46 ans.

Homme d’action malgré une santé fragilisée. Homme d’action il restera !

Et toi Gaby à ses cotés et ensemble vous allez poursuivre avec les camarades de la FNDIRP, ce travail essentiel de mémoires et d’information sur ces mécanismes qui ont construit l’innommable génocide.

Militant de la mémoire comme le dénomme son ami Alain Durand. Militant de la mémoire pour que le plus grande nombre possible de jeunes lycéens et collégiens puissent savoir et comprendre ce qu’est une guerre, ce qu’est un génocide. Une guerre qui n’a rien d’un jeu sur un ordinateur. Qu’une guerre ! C’est avant la guerre ! que se construisent les haines, les revanches et les mises en opposition des peuples que les grands industriels ont souvent porté pour perpétuer leur domination financière.

Robert a toujours chercher à comprendre pourquoi le peuple allemand c’était laisser emporter dans la destruction fasciste et raciste. Il savait combien le lit de la pauvreté, des extorsions  fait sur l’économie allemande après la guerre 14 18 a permis aux revanchards et aux hobereaux prussiens de provoquer la peur du plus pauvres que soi ou de l’artisan juif, de faire monter au pouvoir les pires crapules réprimant à la place de la police et dans le sang les luttes sociales qui se multipliaient.  

Robert savait nous expliquer que le refus de l’oubli ne devait pas empêcher la volonté d’agir en permanence pour la PAIX et à la rencontre avec des militants allemands pour agir ensemble contre l’oubli de l’inacceptable. Au contraire, ne pas oublier c’est comme il le faisait de profiter de chaque cérémonie afin de faire le lien avec l’actualité et ces interpellations sur les retours dans nos pays du populisme, des oppositions entre les catégories et les confessions qui fabriquent aujourd’hui le F Haine.

Les nombreux monuments qu’il fit ériger dans les villes et villages et sous la coupole d’Helfaut vont laisser pour longtemps une trace indélébile pour la mémoire de la déportation.

Robert nous laisse un héritage important que nous voulons poursuivre du mieux que nous pourrons. Filles et fils de déportés nous n’avons pas vécu la réalité des camps mais nous avons la possibilité de porter encore et toujours les valeurs fondatrices d’une société qui naissant au cœur de la résistance porte toujours l’idée d’une humanité où il doit faire bon vivre !

Gaby toi qui fut sa secrétaire et notre secrétaire nous savons combien est énorme ta peine aujourd’hui et celle des enfants et petits enfants. Dans les jours qui viendront nous serons avec toi Gaby pour que les convictions de Robert continuent leur bon chemin.

Adieu Robert